de Esthel » Lun 5 Avr 2010, 18:46
Pour cette nouvelle chronique, mon ambition est de vous faire découvrir les lieux les plus importants de notre charmant complexe. Les lieux qu’il faut voir et où il vous faut être vu. Pour cela, je vous propose une petite visite guidée de la Tour de Mohja. (Je précise que j'ai eu la validation de Mohja.)
Dans le dédale des avenues de notre cité, une tour de verre et d’acier se dessine, dominant les autres de toute sa hauteur et de son éclat. A son sommet, un M majestueux brille dans le firmament, étoile bienveillante qui m’attire. Le cœur de la ville et du monde. La tour de Mohja. Je me rapproche, l’immense édifice emplit bientôt tout mon champ de vision. J’y arrive, je grimpe ces quelques marches, les portes de verre s’ouvrent et je pénètre en ce saint lieu.
Il y a du monde, tellement de monde, on se croirait dans le hall d’un aéroport. Des centaines de gens de toute race s’y égaient, des groupes d’enfants courent un peu partout, sous les acclamations continues des badauds. Les écrans géants diffusent nos combats, et les résultats en direct, mais pas seulement. Tous les sports fédérés par Mohja y sont représentés, du space soccer en apesanteur, au SuperHockey, en passant par les combats de chiens cyborgs et le poker à cinq cents cartes. On joue, on parie, on crie, on pleure, on encourage ses héros. Des fortunes se font et se défont. A peine entré, on est noyé sous un flot de vie.
La tour est le cœur du monde, le seul espace de liberté dans un univers de contrôle. Tous les excès y sont permis, tous les rêves y sont possibles. C’est un paradis de divertissement, et Mohja en est le roi.
Je joue des coudes pour avancer, de jolies petites caissières derrière les comptoirs accueillent le client, rendant service avec un éternel sourire figé sur leur charmant visage. Des gardes, anciennes gloires de l’arène ou du sport surveillent les allées et venues et empêchent tout débordement. Je reconnais quelques célébrités.
Je continue. Je monte dans un ascenseur à gravité zéro. Je tape mon code d’accès et en quelques secondes, j’arrive dans les sous sols. Seuls quelques privilégiés ont le droit d’être là. La zone des arènes. Area 0. Elle s’étend sous toute la ville, en dessous des égouts sur une surface gigantesque, composée de dizaines d’enclos fermés par des grillages ou des murs de cristal plombée où chaque jour des combats à mort déchainent les passions de tout un peuple. Des gradins tout autours accueillent les plus fortunés. Ici se joue l’économie de toute notre planète. Une défaite d’un gladiateur peut faire s’écrouler un royaume, une victoire peut rendre riche des milliards de gens. Dans ce monde sans guerre, tout se règle via l’arène, via nos champions qui s’affrontent et s’entretuent sans cesse.
Des panneaux permettent de s’orienter. Dans cette atmosphère cloisonnée où se mêle odeurs de sang et relents de sueur, je me dirige vers les classes A. Sous les hurlements des gladiateurs, je franchis les paliers, guidée par une main courante téléguidée. Classe E, puis D, puis C où mes propres combattants s’amusent, B et enfin A. Nous sommes dans les plus profondes profondeurs de la ville. Il y fait chaud, c’est atroce. On se croirait en enfer. Il n’y a que trois arènes, désertées pour le moment. Des employés sont en train d’arroser les cages avec une solution antiseptique. De l’acide bouillant. Les traces de sang ne partent pourtant pas. Tant de grands combattants ont perdu la vie ici. Leur unique souvenir reste dans ces larmes écarlates qui ne peuvent s’effacer. Sous la lumière blafarde des néons, je repense à tous ces duels d’anthologie. La classe A est le domaine de Big Bastard et de Vieux Rusé. Ces arènes froides et nues accueillent également les finales de tournoi et le combat des clans. A ce niveau, les arènes forment un carré de cinquante mètres de côté sur cinquante mètre de hauteur, entourées de fil barbelé électrifié et couvertes d’un sol supposé indestructible qui ne résiste pas toujours sous le coup des assauts surhumains. Des caméras mobiles tout autour filment les affrontements titanesques qui s’y jouent.
Le silence règne. Le bruit des classes inférieurs isolées ne parvient pas en cet antre. Je continue mon chemin. J’arrive à une nouvelle porte. L’entrée de la classe S. Personne n’y est jamais parvenu. Personne ne sait ce qu’il y a derrière. Personne n’a jamais eu le cran de la pousser. Si j’osai… Un doute me retient, une peur. Non, ce n’est pas le moment. Un jour peut être.
Je retourne sur mes pas et franchi une petite porte annexe. J’arrive dans les vestiaires. Ils sont déserts à l’heure qu’il est. On y croise que les grands blessés, qui dans les infirmeries, hantent ce labyrinthe de leurs cris. J’arrive en classe E. L’activité est déjà plus importante. Je croise de nouveaux combattants. Sur leur visage jouvenceau, j’y lis la peur. L’arène n’est pas pour les mauviettes. On y vient pour la gloire, on sait qu’on va y mourir. C’est le destin du gladiateur. Parmi 100 gladiateurs qui y commencent, un seul pourra y sortir vivant. C’est pour cette raison qu’on l’appelle, le portail de l’enfer.
Je remonte vers les quartiers supérieurs. Dans l’ascenseur, une douce musique emplit mes oreilles. Elle me calmerai presque. J’arrive à l’étage. Un endroit important. Le bar. Domaine des Apeyros Fighter. J’y croise de grands noms. Sur les murs, accrochés, je vois les portraits des héros vivants ou disparus ainsi que les visages des Vieux couverts de fléchettes. Ils ne viennent pas ici. Le Fils de Mohja leur interdit de boire, de fumer ou même de rencontrer du monde. Ce n’est pas bon pour leur cœur il parait.
Fonz n’est pas là. Ses combattants viennent de se prendre une dérouillée face au Marseillais. Il doit être en train de les faire souffrir à l’entrainement. Un nouveau qui m’est inconnu s’essaye à la danse du cocktail endiablée. Il s’écroule sous les rires de ses pairs.
La tour est un complexe de bureaux. Toute la vie de la cité et de la planète prend sa source ici. Tout est ordonné dans ses locaux. C’est une ville dans la capitale. Près de cent mille personnes y travaillent. Mais j’en croise rarement. Tous les managers ont un bureau désigné, mais je ne connais personne qui en a pris possession. Les gladiateurs et leurs entraineurs n’aiment pas se mêler au commun des mortels. Nous sommes des guerriers, le combat est notre raison d’être. Mohja nous a donné la possibilité de nous battre, nous le servons en retour, bien que je ne puisse pas en parler ici.
Je m’installe à une table. Le temps passe. Un des apéyros va se battre en classe D, le champagne est ouvert. Bien qu’il ne soit encore que débutant, tout son clan est derrière lui. Défaite ou victoire, peu importe, ce sera célébré. Et l’apéro sera offert à tout visiteur.
Je repart. Les salles d’entrainements ne sont pas loin du bar. Le sol tremble, ça hurle, les gladiateurs dépassent sans cesse leurs limites. Devant l’entrée, sur une table isolée, des personnages rigolent avec un étrange accent. Le pastis dans leur verre permet de les reconnaitre facilement. Ils viennent tous du sud, des régions côtières où les combattants sont estimés pour leur vitesse et leur réactivité. On appelle ça le Voltigeur, art martial ancestral revenu au gout du jour.
J’entre dans la salle. Ses dimensions m’impressionnent toujours autant. Sur plusieurs étages, sise au cœur de la Tour, c’est le lieu où nos gladiateurs passent le plus clair de leur temps. Le matériel le plus sophistiqué est mis à leur disposition. Aussi étrange que cela puisse paraître, nos combattants s’entrainent ensemble. Et bien que les forgeurs de destinée occupent ce lieu plus que la normale, tous se retrouvent ici et les dissensions disparaissent pour un temps. J’y vois Coach qui entraine ses poulains, il leur réapprend les bases. Ces deux défaites d’affilées contre les Vétérans lui ont montré qu’il ne les avait pas assez forgé. Depuis lors, il n’a pas quitté la salle.
Bélial est occupé à massacrer un mannequin à l’effigie d’Urselius sous l’œil de mon assistant. Tout va bien, je repart.
Je reprend l’ascenseur. Une musique disco qui emplit la non gravité me donne soudain envie de danser. J’arrive au soixante neuvième étage. La boite de nuit, territoire des Jacky Brothers. Il y a du monde en ce début de soirée. Jacky est sur l’estrade en train de mimer les actions de sa demi finale. Sa défaite en finale contre les Vétérans est déjà oubliée. La foule rigole. Tout va bien. Les Jacky’s mettent de l’ambiance et même leurs gladiateurs prennent part à la fête. Je bouge un peu sur les rythmes endiablés des démons de minuit et je continue ma visite.
Toujours plus haut, j’arrive dans la High Street. Le centre commercial. Malgré l’heure tardive, les rues sont envahies d’une foule insensée. On achète, on vend, bercée par les commentateurs de l’arène qui diffusent en direct les matchs via les hauts parleurs. Restaurants, bars, théâtres, salles de cinémas avec en affiche « Gottri, où la colère du roi des enfers » nous abreuvent de quantités d’autres distractions, sous le contrôle des membres des Terres Désolées, qui gèrent tout ça clandestinement, mais aussi de Damage Inc, nouveau clan qui a bien l’intention de prendre sa part du gâteau. Tard dans la nuit, on peut entendre des échauffourées entre les deux, mais rien de bien méchant, nous n’en parlerons donc pas ici.
Je prend un café à un bar, observe les mignonnes demoiselles qui passent devant mes yeux et reprend mon chemin là où je l’avais laissé.
Avant de continuer, j’observe par la paroi de verre l’extérieur. Nous sommes déjà à plus de 900 mètres de hauteur, et la ville en contrebas n’est plus qu’un souvenir. Nous ne voyons que les façades des immeubles les plus proches, qui brillent de milles feux, et les étoiles au-delà. La cité s’étend à l’infini sous nos pieds. Tant de rêves, d’espoirs, de douleurs, de larmes, de rires et de pleurs sont dirigés vers la tour. Tant de prières. Ce lieu est le centre de tout. Bonheur, malheur, gloire, futurs de milliards de gens sont décidés ici. Ma vie est ici. Le reste du monde importe peu.
Après le bruit de la foule, il est étrange de retrouver le silence. Nouveau palier, plusieurs étages de couloirs. Ce sont nos chambres. Nos appartements. L’endroit où logent les centaines d’entraineurs et leurs gladiateurs. Je monte quelques escaliers, puis encore d‘autres, je traverse des halls, des salles d’attente pour finalement arriver à la salle de repos que je cherchais. Comme je le pensais, les meilleurs sièges sont déjà occupés. Par les Atlantes. Dans ce silence, ponctuée seulement d’une douce musique, les membres du clan méditent. Ils doivent penser à leur ancienne patrie. Sur la pointe des pieds, je m’éclipse. Je veux pas les déranger. Il ne vaut mieux pas…
Je monte encore. Une odeur de cuisine m’interpelle. J’arrive dans le réfectoire. Peu importe l’heure qu’il est, nos gladiateurs ont faim. Des milliers de tonnes de nourriture sont ingurgités ici par jour. L’arène fait vivre tous les fermiers du monde. C’est la cohue. Des bagarres éclatent souvent, et il faut toute la puissance des supers cuisiniers bioniques pour éviter des morts. De toutes formes et de tout aspects, nos combattants mangent. Je vois Sasquatch qui du haut de ses 3 mètres et 900 kilos avalerait jusqu’aux meubles, et à côté Dr Saw, encore blessé de son dernier combat qui se régale des formes d’une jolie infirmière qui le nourrit à la cuillère, alors que non loin Chad Wagner essaie de plier sa cuillère à la force son esprit et que Elios se demande comment manger sans enlever son voile. La vie de nos gladiateurs est trépidante.
Je monte quelques marches, pénètre dans un couloir sombre et je retourne à l’endroit où je n’aurais jamais pensé remettre les pieds. La maison de retraite. Demeure des Vieux et de tous les anciens combattants. Alexandrie Alexandra continue de résonner en boucle, et mes pieds se mettent à bouger tout seuls. Non, je ne peux aller plus loin, je n’en ai plus la force, la journée était trop longue.
Je retourne dans l’ascenseur. Je dépasse le palier où vit et travaille Mohja. Il faut une autorisation spéciale pour y aller et je ne l’ai pas. Et j’arrive dans la bibliothèque située tout en haut de la tour, à plus de 2000m de hauteur. C’est désert, et le silence m’apaise. Peu de gladiateurs ou d’entraineurs montent jusqu’ici. C’est le domaine de mon clan, les Larmes de Sang (et accessoirement la rédaction de la Gazette). Notre havre, sombre et poussiéreux où nous mettons au point nos tactiques. Sur les rayons, dans un désordre apparent sont condensées toutes les connaissances depuis la Création. Le Fils de Mohja vient régulièrement consulter ces parchemins millénaires.
La voute de cristal au dessus de nous, dôme de l’immeuble nous fait rêver de l’immensité qui s‘étend loin de notre portée. La visite se termine ici. Sous les étoiles. La tour contient encore beaucoup de secrets. Les projets de Mohja également. Mais l’heure n’est pas venue pour en parler. Ainsi s’achève ce voyage et en commence un nouveau. A vous d’écrire votre propre histoire. Bonne route.
Dernière édition par Esthel le Mar 6 Avr 2010, 16:03, édité 3 fois au total.